Février

Mardi 3 février, 22h04
Après l’irrationalité délirante des marchés financiers, s’amorce la phase du protectionnisme à tout crin défendu par les pouvoirs en place pour caresser dans le bon sens des populations excédées.
Opportunité de relocaliser l’économie pour éviter l’absurdité de déplacements de marchandises pouvant être produites sur place ou réflexe dangereux qui réduira d’autant la perspective de développement des pays tournés vers eux-mêmes ?
La certitude : la paupérisation de citoyens ne pourra qu’exacerber la haine de l’autre, celui qui viendrait piquer l’emploi aux gens du cru. Le nationalisme social surgira ainsi avec une vigueur décuplée, même si ses perspectives ne sont qu’à courte vue.
A suivre, donc…


Vendredi 6 février
Les coups de la crise

Signe, pour l’anecdote révélatrice, de la dépression économique en forme de débâcle humaine : la fonte vertigineuse des recettes publicitaires de la première chaîne de télévision.
Là où la volonté présidentielle a débarrassé les chaînes publiques des scories commerciales aux pointes d’audience, la crise nettoie les programmes de TF1 des longues et indigestes coupures publicitaires. Si report de la manne du public vers le privé il y a eu, le marasme mondial a désintégré son contenu.
Ainsi, la flopée de séries américaines qui permettent de réviser les quatre coins des USA et la palette infinie des salauderies humaines : je les purge des séquences dont on les a truffées, grâce à l’efficace DVD-enregistreur-nettoyeur, pour que ma BB puisse les visionner dans un total confort, sans la répétitive pause-pipi qu’imposent les bruyantes réclames, même en l’absence d’incontinence.
En septembre 2008, j’avais encore fréquemment de gros morceaux de sept à huit minutes, bien polluants mais détectables à tous les coups par le défilé des chapitres de six minutes. 2009 ne laisse poindre que des tranches de pub efflanquées, parfois d’à peine deux minutes qui se perdent au beau milieu des épisodes comme une saucisse William Saurin dans une bassine de topinambours. La crise impose ses changements de comportement : fini la rythmique des chapitres pour retrouver les plages de publicité, bonjour l’accélération fastidieuse des images…
Finalement, les adeptes de la décroissance vont avoir l’occasion d’observer la réalisation brutale, par la contraction de la production, de leurs aspirations. Pas sûr que les dizaines de millions d’individus qui auront perdu leur emploi au cours de cette période en deviennent de fervents partisans. A moins qu’on les leurre, ici et là, en leur vantant un anti-capitalisme primaire dont on ne comprend toujours pas la teneur du projet concret et viable qu’il recouvre.
Et sinon ? Je n’achète toujours pas d’actions, encore moins de produits financiers, je ne conduis décidément pas et je reste sur mes gardes lorsque je croise un congénère…
Le volontarisme politique n’empêchera pas l’instinct prétendument salvateur du nationalisme social. La mondialisation est morte ? Vive la relocalisation avec purin bien de chez nous coincé au creux des godasses ! Rigolade, sinistre farce pour tenter de contrer le sauve-qui-peut en marche. Les pauvres, les miséreux, les laissés sur la berge comprendront bientôt que les riches, les très riches n’ont pas de plus raisonnable comportement qu’eux lorsque la gabegie menace.
Quoi que puisse proposer, d’applicable, les dirigeants en place, les mécontentements croîtront. Ce qu’il faut avant tout éviter c’est le dérapage, aux sources multiples possibles, qui justifierait la voie barbare, laquelle se déchaînerait d’abord contre ceux qui apparaissent comme privilégiés ou protégés dans leur emploi, par nature public pour ces derniers. Le paradoxe ? Les fonctionnaires formaient encore très largement le gros des cohortes revendicatives des dernières manifestations en France.
Le premier poste de dépenses de l’Etat reste, de très loin, le paiement de la fonction publique. Toute politique d’aide aux plus exposés à la crise, les salariés du secteur privé, ne peut se financer qu’en réduisant, grâce à l’opportunité du papy-boom, les effectifs du public. Le reste, c’est du bruyant folklore d’un autre temps, celui où les caisses de l’Etat pouvaient encore supporter l’accroissement de son personnel.
Pour l’instant, le rapport de force se cristallise entre une partie de la population, via les syndicats, et un Etat perçu comme l’unique solution, un centralisme de crise en somme. Espérons que cela ne se déporte pas entre catégories de populations, quel que soit le critère de scission violente retenu.


Samedi 14 février, 23h30
De retour au pub Le Red Lions, accueilli par celle qui m’avait fait abandonner ce domaine de quelques virées nocturnes. Comme si de rien n’était, des deux côtés – je choppe sans effort les codes relationnels du lieu désormais sans tabac.
L’échange furtif m’incline à m’enquérir du passage éventuel de Bonny, perdue de vue : en tournée, mais repasse parfois dans l’antre… Coup de massue en apprenant qu’Eddy, grand gaillard solide, s’est sorti d’un putain de cancer ! Me submergent les regrets de ne pas avoir relancé le contact.
Les liens se délitent pour si peu de choses : un courriel négligé, un message omis, une parole de moins, un geste non accompli… un gâchis de plus parmi la foultitude d’autres.
Trajet vélo’v avec frimas saisissant : phalange en sursis, oreilles engourdies pour retrouver l’atmosphère perdue, avec rythmique enveloppante. Renouer avec les réflexes de l’inspiration par le bruit et la musique entremêlés. La disparition des volutes briderait-elle les à-coups pamphlétaires ? L’époque sur le fil rendrait-elle cette antre du ludique surjouée ? A songer aux épreuves annoncées on peut s’enterrer la face et croire à la ouate entretenue. Des coups de la crise à la guimauve d’apparat, l’écart se fait croissant.
L’actualité courante prend une saveur de sursis à l’écoute du grondement d’outre tombe. Comme une veillée d’armes à affûter.


Dimanche 15 février, 23h44
Une semaine pour se purger des médiocrités répétitives du labeur. Un peu de respiration en ces temps partout diagnostiqués comme terrifiants. Une raison de plus pour B.-H. Lévy de ne pas croire une seconde à la fin de l’histoire théorisée après la chute du mur de Berlin.
La série Empreintes a diffusé le document sur son singulier parcours. Là que je prends davantage conscience de mon attachement à ces figures que j’incendiais.  Quelle incroyable distance : cette hargne cultivée n’a plus de sens pour moi. Se sentir simplement, mais profondément, en phase avec ses convictions et non pour plaire au meneur, au groupuscule idéologique que fait reluire son système par l’excès en tout.


Samedi 21 février, 0h18
Alors que la priorité absolue doit être de préserver les emplois – à tout le moins de limiter les destructions, les mouvements syndiqués réclament une hausse des salaires. Que cela fragilise, jusqu’à la liquidation, les plus petites entités économiques, augmentant de facto le taux de chômage, peu importe, les revendications doivent persister. Les impératifs du réel ne comptent plus…
Un peu comme l’hystérie des anti-OGM qui vouent à la damnation éternelle des recherches scientifiques au nom du déifié principe de précaution qui, s’il avait régné les siècles précédents, aurait retardé voire empêché certaines découvertes capitales. Que la planète doive augmenter la production agricole de presque 70 % d’ici 2025, pour nourrir neuf milliards d’êtres humains, cela ne compte pas pour les faucheurs volontaires. Le bio comblera les besoins comme le dieu empêche les catastrophes. Une efficacité consubstantielle…


Mercredi 25 février
90 000 personnes de plus, en un mois, pointant aux Pôles emplois : les conséquences du dérèglement économique mondial n’épargne en rien la France. La mine déconfite de Christine Lagarde, ce soir, sur le plateau de France 2 contrastait avec un discours aux accents de méthode Coué.
Les politiques improvisent les contre-feux pour limiter la casse, mais peu de choses à en espérer. La puissance du panurgisme économique est telle qu’aucun volontarisme politique ne semble en mesure de l’annihiler.
Restent les symboles, pour éviter la révolution sanguinaire à la sauce Besancenot (pour la France) : Obama fustige la pratique abusive du secret bancaire suisse et réclame la levée pour 560 000 comptes ; Sarkozy veut une nouvelle répartition des dividendes… Le monde s’emballe, encore sur le mode pacifique pour les pays les plus avancés… mais pour combien de temps encore ?


Samedi 28 février
Retour au bord du Rhône pour goûter au soleil pré-printanier.
Marc Edouard Nabe m’amuse avec son petit cirque médiatique. Il se défend d’appartenir au système des lettres alors que le groin suinte de la moindre opportunité offerte : un Café littéraire par-ci, un Chez F.O.G. par là et il cultive ainsi sa pseudo différence laissant faire, le sourire complice, la promotion de ses œuvres publiées par ceux-là mêmes qu’il fustige, sans que l’on comprenne la teneur précise de sa défiance.
Malignité de sa posture prétendument réfractaire et qui n’attend que l’occasion de fleurir le parterre des médias pour que le commerce de ses livres se poursuive. N’attendons donc pas, comme il le revendique, que l’époque soit au diapason de notre approche du monde pour affiner nos sons littéraires.
Sa démarche d’utiliser des tracts rejoint, cependant, mon choix de l’Internet pour proposer gracieusement un témoignage.
La haine semble dans l’air du temps littéraire. On en reconnaît la présence chez les plus incontournables plumes, l’utilité et la dimension artistique. Comme un écho à mon ancrage comme diariste pamphlétaire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire