Janvier

Jeudi 1er janvier
2009, la bananée ?

Encore un bout de truffe coincé au hasard d’une commissure, un reste de foie gras au fond du bide, des textos de bons vœux qui m’arrivent et auxquels je ne peux que chaleureusement répondre, mais déjà la déprimante tessiture de cette année naissante oppresse.
Il faut dire qu’on s’est bien tous chargé, les médias comme les simples citoyens, de la faire échouer avant même qu’elle nous déroule ses immanquables surprises. De l’anti-méthode Coué, ce défaitisme claironné.
Mon activité rémunérée ne m’autorise pas cette résolution, pourtant seule résistance possible au cafardeux conditionnement : au diable toute source d’information pendant un an ! Une purge pour se préserver des effets d’entraînement qui ne vont pas manquer.
L’irrationnel des aires financières, avec panurgisme primaire comme refuge délétère, devrait contaminer bien d’autres pans de la sphère sociale. Surenchère, catastrophisme cultivé, déferlement du pire : si passage d’un système l’autre se dessine, il ne se fera pas dans la guimauve. Entre l’acide opportunisme d’une minorité agissante et l’amère passivité du reste, en sombrant, par à-coups, dans l’indigeste déchaînement des barbares à l’affût de zones à dévaster, de groupes à terroriser, la palette de l’humanité 2009 ne fera qu’accommoder à sa sauce les réflexes classiques pour périodes incertaines.
Encore quelques jours d’autarcie affective… Une guitare aux cordes harmoniquement pincées par le frérot, des photos de ma jeunesse – un été à Fontès autour de ma grand-mère, des cousins joyeux avec qui partager – que maman fait revivre sur l’ordinateur, qu’elle légende pour catalyser l’émotion, chacun à sa tâche, à son loisir dans la maisonnée réchauffée, loin, très loin des froidures arides d’un extérieur souvent hostile.
Petits bruits familiers, assoupissement pour mieux s’imprégner de la douceur présente, plénitude d’un moment d’évidence, sans un iota d’accroche, sans une trace d’aspérité urticante… Que du bonheur, donc, le plus simple, le pur qui vous étreint le lendemain d’une fête réussie. Du bonheur, oui, et nous sommes bien en 2009 ! Allez savoir ce qui nous attend…


 Dimanche 4 janvier
Retour au bercail lyonnais : plaisir de retrouver le nid partagé avec ma BB, même si la reprise professionnelle a été avancée à demain 13h30, au lieu de mardi matin, pour cause d’absence d’intervenant en technique pompier.
Chez le pôpa, les frères poussent et les nouveaux animaux de compagnie, chatte et chienne, fournissent de nouveaux sujets de râleries paternelles.
Les fâcheries israéliennes prennent-elles un tour militaire ? Anéantir les pontes du Hamas quitte à éloigner encore un peu plus le règlement du conflit.


Lundi 5 janvier, 23h20
Sarkozy s’active, vainement, au Proche-Orient et l’opération de Tsahal ne mollit pas. Plus une infrastructure du Hamas debout, et le million et demi de Palestiniens dans la bande de Gaza qui oscille entre haine et terreur. Une façon de relativiser nos problèmes économiques lorsqu’on songe aux conditions de vie des malheureux civils.
Une semaine pédagogique qu’avec les pompiers et Concours sécurité : cela me rend plus serein. Si seulement je pouvais ne plus me taper ces enflures de brancardiers. Les tronches revanchardes et trouduculesques de certains me rendent allergique à la plus furtive de leur présence.
Reçu de maman une planche de photos des festifs 30 et 31 janvier partagés : très réussie et traduisant bien la complicité familiale.
Avant de plomber les paupières, rapide détour vers quelque siècle de l’Ancien Régime revisité par l’incisif Alain Minc dans Une histoire de France, ouvrage dense qui mériterait plusieurs lectures pour en tirer toute la moelle.


Mardi 6 janvier, 23h15
Glaciation renouvelée sous les cieux hivernaux.
J’ai un peu dialogué ce soir, sur Msn, avec cette pétillante AC, qui est aujourd’hui en première économique, à bientôt dix-sept ans. Mon dieu, quel vieux croûton je fais. Elle semble vivre pleinement sa jeunesse, alors que j’avais limité la mienne au retranchement mi introspectif mi fantasmatique. Regretter ce choix ? Non, cela m’a forgé autrement et le contact renouvelé du collectif aurait fini par m’incommoder. A dieu vat, pour reprendre la formule du PPDA… chacun à vivre son âge…


Samedi 17 janvier, 23h48
Vu l’enregistrement de La case de l’oncle doc consacrée à la seule réunion des trois monstres de la chanson française, Brassens, Brel et Ferré. Quelle puissance rassurante de leur présence, de leurs propos… pour éviter de tourner le dos à l’humanité. Seule faiblesse affichée, comme pour d’immatures ados, le thème de la femme.


Dimanche 18 janvier
Paroles de Palisraéniens

Rester terré dès que la menace pèse. Pour nous, simples civils, ça ne va pas au-delà de cela. Soixante ans de tressaillements morbides… une vie d’homme, d’un côté comme de l’autre. Pourquoi devrait-on, en plus, s’obstruer l’esprit par la haine de l’autre, celui d’en face, notre voisin, qui lui aussi doit se protéger dès que ça gronde ou que ça siffle ?
Cette terre sublime, paradisiaque au sens originel, nous l’avons truffée, dans le temps et dans l’espace, de zones infernales : atrocités, corps en charpie, déshonneur humain de s’attaquer ainsi à l’autre… Notre faute ? Nous avons suivi, sans rechigner, les dérives des meneurs en place, des agitateurs de la discorde, de la voie idéologique, de la crispation sur son propre intérêt sans percevoir que le plus prégnant des impératifs est de satisfaire les aspirations légitimes de ceux d’en face pour assurer la pérennité de nos propres attentes, au bout du compte si proches les unes des autres… un peu de reconnaissance, est-ce illusoire ? En attendant je me cache, je n’ai que cela à faire, le temps que ça passe…
Pourquoi faut-il que ceux qui veulent tenter la voie de la paix, en allant au-delà des cadavres, des destructions et des malheurs engendrés, réalisme douloureux mais nécessaire quel que soit le moment choisi pour tourner la page mortifère, soient tôt ou tard écartés, bâillonnés voire éliminés par les boutefeux, par ceux qui s’enivrent du sang de l’autre versé quitte à produire, de facto, l’horreur dans son propre camp ? Vu de haut, vu de loin… quelle terrible absurdité ce dialogue de sourds où le bruit des armes et des explosions nous fait perdre la faculté d’écouter l’autre. Absurde à en pleurer toutes les larmes de son corps… oui mais voilà, je suis là, immergé dans cette terre violentée… et ma pauvre existence en sursis ne peut qu’espérer un miracle humain : que, de part et d’autre, la lucidité l’emporte ou qu’un dirigeant, venu d’ailleurs, parvienne à convaincre qu’il faut changer, que le revirement doit s’imposer…
Moi aussi, dans mon trou, j’ai fait un rêve… A l’heure où un métisse va prendre les destinées de la première puissance mondiale dans la tourmente, l’époque est opportune pour un électrochoc salutaire…
Je songe à nos voisins de Méditerranée, ces Français qui, six ans seulement après la fin de l’horreur absolue de la Seconde Guerre mondiale et de l’évidente haine totale éprouvée envers les Allemands, ont appelé, par la voix de Robert Schuman, à dépasser ce gouffre des consciences hostiles en construisant ensemble. Comme un modèle… nous avons attendu dix fois plus longtemps pour faire ce pas… n’est-il pas urgent d’y songer ? Simple, si simple à invoquer, même la peur de crever au ventre, si monumental à réaliser…

Mercredi 20 janvier
Le longiligne président a pris ses fonctions. Le froid polaire n’a pas empêché quelque deux millions de personnes d’être sur place pour assister à l’investiture.
Je regarde la façon dont je tiens mon plume : exactement celle d’Obama, gaucher lui aussi. Curieux effet de le voir signer les documents officiels consacrant sa prise de fonction avec une main au-dessus de ce qui s’écrit, et non en dessous, ce qui oblige parfois à l’application d’un buvard pour éviter d’étaler l’encre fraîche. Avec l’expérience, plus besoin de protection.
De gigantesques défis se profilent pour lui… On ressentait toute la gravité de l’instant, celui crucial d’une lutte contre ce qui sera peut-être la crise majeure du XXIe siècle. Plus de guerre mondiale façon Vingtième, mais des dépressions mondialisées favorisant les chaos localisés et une redistribution de la puissance économique. Apparemment plus pacifique… leurre commode.
En attendant, bonne chance M. le Président des Etats-Unis, le labeur commence dans quelques heures.
En France, Sarkozy tire l’oreille aux banquiers trop gourmands qui préservent leur droit à une prime sans se soucier de l’effet désastreux que cela aurait dans l’opinion publique.
Un député de l’UMP, Frédéric Lefebvre, va même jusqu’à les menacer, en cas de refus persistant d’annuler la prime, de les dénoncer à la vox populi. Finalement, pas très loin du lynchage organisé. Bien dangereuse dérive…


Mercredi 21 janvier, 23h46
Appartement d’immeuble voisin bien bruyant ce soir : des mâles gueuleurs, du féminin rigolard, une convivialité incommodante… nulle inspiration.


Mardi 27 janvier, 22h56
Chacun prend ses marques avant l’explosion sociale fantasmée ou redoutée. L’Assemblée nationale s’agite autour d’une réforme de son fonctionnement, rejette une motion de censure, pour faire croire à son utilité. La rue, peuplée jeudi prochain de fonctionnaires, s’essayera à un simulacre de pré révolution sans parvenir à autre chose qu’un classique mouvement de grève.


Mercredi 28 janvier
Chacun sur ses gardes : tant que les systèmes de protection assurent aux victimes de la crise et aux plus démunis le minimum vital, l’explosion sociale se cantonnera à la version pétard bruyant mais inoffensif. L’angoisse de perdre le peu d’avantages qui leur reste les paralyse.
Amusant de constater combien la figure du Banquier, que j’ai si souvent brocardée dans ce Journal, est devenue le punching-ball idéal pour exacerber ses ressentiments.


Samedi 31 janvier, 1h28

Du coup de pouce au doigt… bancaire

Rappelez-vous le poupouce sympathique de la Société générale : une aide à s’installer, à entreprendre et à s’épanouir dans une vie tout en pastels harmonieux. Belle vitrine pour inciter à la consommation par de gentils prêts.
L’acte premier s’ouvrait sur l’adorable monde des Bisounours financiers : « Je te prête, tu me payes… tu ne payes plus, je te relance, je te balance ! ». Les poupouces américains ont ainsi soutenu vaillamment, ardemment, sur l’impulsion des pouvoirs publics d’alors – une nation de propriétaires à tout prix, ça ne vous rappelle rien ? – quelques millions de personnes aux revenus modestes ou inexistants, avant de les faire expulser. La tragédie du pauvre trop crédule ? L’affaire Madoff a démontré magistralement que la voracité naïve imprègne aussi des gens de la Haute.
Acte deuxième : la Société générale communique sur l’abominable trader abuseur de confiance, îlot de perversité dans un océan de vertus tranquilles. Gare ! Le tapis gondolait un peu trop pour parvenir à dissimuler toutes les pourritures financières que son personnel expérimenté, au faîte de l’art spéculatif, s’était vu refiler par la voie de brenneuses arcanes.
En outre, on commence à découvrir la réalité des responsabilités dans l’affaire Kerviel. Une Mission impossible de la culbute financière : « utilisez tous les moyens possibles, jusqu’à l’illégalité, pour multiplier la mise, mais nous nierons toute connaissance de vos agissements en cas de découverte. Ce poupouce s’autodétruira dans cinq secondes… »
Finalement, le conte de la Générale est limpide comme un Perrault : goinfrez-vous tant que vous pourrez, jusqu’à l’écoeurement de vous-même, abusez des règles, rapaces, et fientez sur le contrat social pourvu qu’avec un large sourire vous affirmiez : « C’est pour mieux vous aider, mon épargnant ! »
Troisième acte, le plus sordide. La figure du Banquier, que j’ai si souvent brocardée dans mon Journal, est devenue le punching-ball idéal pour exacerber ses ressentiments.
Ce qui fait enrager, c’est l’impossibilité d’une sanction capitalistiquement naturelle pour les fautes graves de gestion, à savoir la mise en liquidation, sous peine de provoquer une implosion en chaîne du système. Voilà donc des entités commerciales qui usent et abusent des règles du capitalisme, mais qui ne peuvent en aucun cas se voir infliger une quelconque sanction. Le pompon : quelques dirigeants de ces établissements financiers doivent se faire tirer l’oreille par l’exécutif pour se résoudre, en rechignant, à ne pas toucher les primes et autres parachutes dorés.
De là à lancer le bon pôple étriper ou décapiter quelques gros lards à cigare et à lunettes, comme Plantu les stigmatise, il n’y a plus que l’épaisseur d’un euro. Nos caricaturistes du XXIe siècle ont tout de même abandonné, pour représenter ces indécents hommes d’argent, le nez crochu qui tombe dans la bouche. Un progrès notable de ne retenir que la fonction sans l’associer à une catégorie ethnico-religieuse…
Chacun attend, redoute, espère, selon sa posture face à la crise, l’explosion sociale, le déchaînement révolutionnaire avec quelques barbaries justifiées comme purgatives…
Ce qui irrite, dans l’ambiance colportée, c’est le leurre d’une prime à la vertu pour les modestes, les planqués, les revanchards échoués. La résonance du discours contre les salopards qui réussissent incite à occulter les crasses des ternes citoyens, mais la petite musique sonne bien, alors les médias la relaient sans jamais égratigner la France d’en bas.

Février

Mardi 3 février, 22h04
Après l’irrationalité délirante des marchés financiers, s’amorce la phase du protectionnisme à tout crin défendu par les pouvoirs en place pour caresser dans le bon sens des populations excédées.
Opportunité de relocaliser l’économie pour éviter l’absurdité de déplacements de marchandises pouvant être produites sur place ou réflexe dangereux qui réduira d’autant la perspective de développement des pays tournés vers eux-mêmes ?
La certitude : la paupérisation de citoyens ne pourra qu’exacerber la haine de l’autre, celui qui viendrait piquer l’emploi aux gens du cru. Le nationalisme social surgira ainsi avec une vigueur décuplée, même si ses perspectives ne sont qu’à courte vue.
A suivre, donc…


Vendredi 6 février
Les coups de la crise

Signe, pour l’anecdote révélatrice, de la dépression économique en forme de débâcle humaine : la fonte vertigineuse des recettes publicitaires de la première chaîne de télévision.
Là où la volonté présidentielle a débarrassé les chaînes publiques des scories commerciales aux pointes d’audience, la crise nettoie les programmes de TF1 des longues et indigestes coupures publicitaires. Si report de la manne du public vers le privé il y a eu, le marasme mondial a désintégré son contenu.
Ainsi, la flopée de séries américaines qui permettent de réviser les quatre coins des USA et la palette infinie des salauderies humaines : je les purge des séquences dont on les a truffées, grâce à l’efficace DVD-enregistreur-nettoyeur, pour que ma BB puisse les visionner dans un total confort, sans la répétitive pause-pipi qu’imposent les bruyantes réclames, même en l’absence d’incontinence.
En septembre 2008, j’avais encore fréquemment de gros morceaux de sept à huit minutes, bien polluants mais détectables à tous les coups par le défilé des chapitres de six minutes. 2009 ne laisse poindre que des tranches de pub efflanquées, parfois d’à peine deux minutes qui se perdent au beau milieu des épisodes comme une saucisse William Saurin dans une bassine de topinambours. La crise impose ses changements de comportement : fini la rythmique des chapitres pour retrouver les plages de publicité, bonjour l’accélération fastidieuse des images…
Finalement, les adeptes de la décroissance vont avoir l’occasion d’observer la réalisation brutale, par la contraction de la production, de leurs aspirations. Pas sûr que les dizaines de millions d’individus qui auront perdu leur emploi au cours de cette période en deviennent de fervents partisans. A moins qu’on les leurre, ici et là, en leur vantant un anti-capitalisme primaire dont on ne comprend toujours pas la teneur du projet concret et viable qu’il recouvre.
Et sinon ? Je n’achète toujours pas d’actions, encore moins de produits financiers, je ne conduis décidément pas et je reste sur mes gardes lorsque je croise un congénère…
Le volontarisme politique n’empêchera pas l’instinct prétendument salvateur du nationalisme social. La mondialisation est morte ? Vive la relocalisation avec purin bien de chez nous coincé au creux des godasses ! Rigolade, sinistre farce pour tenter de contrer le sauve-qui-peut en marche. Les pauvres, les miséreux, les laissés sur la berge comprendront bientôt que les riches, les très riches n’ont pas de plus raisonnable comportement qu’eux lorsque la gabegie menace.
Quoi que puisse proposer, d’applicable, les dirigeants en place, les mécontentements croîtront. Ce qu’il faut avant tout éviter c’est le dérapage, aux sources multiples possibles, qui justifierait la voie barbare, laquelle se déchaînerait d’abord contre ceux qui apparaissent comme privilégiés ou protégés dans leur emploi, par nature public pour ces derniers. Le paradoxe ? Les fonctionnaires formaient encore très largement le gros des cohortes revendicatives des dernières manifestations en France.
Le premier poste de dépenses de l’Etat reste, de très loin, le paiement de la fonction publique. Toute politique d’aide aux plus exposés à la crise, les salariés du secteur privé, ne peut se financer qu’en réduisant, grâce à l’opportunité du papy-boom, les effectifs du public. Le reste, c’est du bruyant folklore d’un autre temps, celui où les caisses de l’Etat pouvaient encore supporter l’accroissement de son personnel.
Pour l’instant, le rapport de force se cristallise entre une partie de la population, via les syndicats, et un Etat perçu comme l’unique solution, un centralisme de crise en somme. Espérons que cela ne se déporte pas entre catégories de populations, quel que soit le critère de scission violente retenu.


Samedi 14 février, 23h30
De retour au pub Le Red Lions, accueilli par celle qui m’avait fait abandonner ce domaine de quelques virées nocturnes. Comme si de rien n’était, des deux côtés – je choppe sans effort les codes relationnels du lieu désormais sans tabac.
L’échange furtif m’incline à m’enquérir du passage éventuel de Bonny, perdue de vue : en tournée, mais repasse parfois dans l’antre… Coup de massue en apprenant qu’Eddy, grand gaillard solide, s’est sorti d’un putain de cancer ! Me submergent les regrets de ne pas avoir relancé le contact.
Les liens se délitent pour si peu de choses : un courriel négligé, un message omis, une parole de moins, un geste non accompli… un gâchis de plus parmi la foultitude d’autres.
Trajet vélo’v avec frimas saisissant : phalange en sursis, oreilles engourdies pour retrouver l’atmosphère perdue, avec rythmique enveloppante. Renouer avec les réflexes de l’inspiration par le bruit et la musique entremêlés. La disparition des volutes briderait-elle les à-coups pamphlétaires ? L’époque sur le fil rendrait-elle cette antre du ludique surjouée ? A songer aux épreuves annoncées on peut s’enterrer la face et croire à la ouate entretenue. Des coups de la crise à la guimauve d’apparat, l’écart se fait croissant.
L’actualité courante prend une saveur de sursis à l’écoute du grondement d’outre tombe. Comme une veillée d’armes à affûter.


Dimanche 15 février, 23h44
Une semaine pour se purger des médiocrités répétitives du labeur. Un peu de respiration en ces temps partout diagnostiqués comme terrifiants. Une raison de plus pour B.-H. Lévy de ne pas croire une seconde à la fin de l’histoire théorisée après la chute du mur de Berlin.
La série Empreintes a diffusé le document sur son singulier parcours. Là que je prends davantage conscience de mon attachement à ces figures que j’incendiais.  Quelle incroyable distance : cette hargne cultivée n’a plus de sens pour moi. Se sentir simplement, mais profondément, en phase avec ses convictions et non pour plaire au meneur, au groupuscule idéologique que fait reluire son système par l’excès en tout.


Samedi 21 février, 0h18
Alors que la priorité absolue doit être de préserver les emplois – à tout le moins de limiter les destructions, les mouvements syndiqués réclament une hausse des salaires. Que cela fragilise, jusqu’à la liquidation, les plus petites entités économiques, augmentant de facto le taux de chômage, peu importe, les revendications doivent persister. Les impératifs du réel ne comptent plus…
Un peu comme l’hystérie des anti-OGM qui vouent à la damnation éternelle des recherches scientifiques au nom du déifié principe de précaution qui, s’il avait régné les siècles précédents, aurait retardé voire empêché certaines découvertes capitales. Que la planète doive augmenter la production agricole de presque 70 % d’ici 2025, pour nourrir neuf milliards d’êtres humains, cela ne compte pas pour les faucheurs volontaires. Le bio comblera les besoins comme le dieu empêche les catastrophes. Une efficacité consubstantielle…


Mercredi 25 février
90 000 personnes de plus, en un mois, pointant aux Pôles emplois : les conséquences du dérèglement économique mondial n’épargne en rien la France. La mine déconfite de Christine Lagarde, ce soir, sur le plateau de France 2 contrastait avec un discours aux accents de méthode Coué.
Les politiques improvisent les contre-feux pour limiter la casse, mais peu de choses à en espérer. La puissance du panurgisme économique est telle qu’aucun volontarisme politique ne semble en mesure de l’annihiler.
Restent les symboles, pour éviter la révolution sanguinaire à la sauce Besancenot (pour la France) : Obama fustige la pratique abusive du secret bancaire suisse et réclame la levée pour 560 000 comptes ; Sarkozy veut une nouvelle répartition des dividendes… Le monde s’emballe, encore sur le mode pacifique pour les pays les plus avancés… mais pour combien de temps encore ?


Samedi 28 février
Retour au bord du Rhône pour goûter au soleil pré-printanier.
Marc Edouard Nabe m’amuse avec son petit cirque médiatique. Il se défend d’appartenir au système des lettres alors que le groin suinte de la moindre opportunité offerte : un Café littéraire par-ci, un Chez F.O.G. par là et il cultive ainsi sa pseudo différence laissant faire, le sourire complice, la promotion de ses œuvres publiées par ceux-là mêmes qu’il fustige, sans que l’on comprenne la teneur précise de sa défiance.
Malignité de sa posture prétendument réfractaire et qui n’attend que l’occasion de fleurir le parterre des médias pour que le commerce de ses livres se poursuive. N’attendons donc pas, comme il le revendique, que l’époque soit au diapason de notre approche du monde pour affiner nos sons littéraires.
Sa démarche d’utiliser des tracts rejoint, cependant, mon choix de l’Internet pour proposer gracieusement un témoignage.
La haine semble dans l’air du temps littéraire. On en reconnaît la présence chez les plus incontournables plumes, l’utilité et la dimension artistique. Comme un écho à mon ancrage comme diariste pamphlétaire.

Mars

Lundi 2 mars
Galtier-Boissière avait sa drôle de paix pour affûter son style et aiguiser ses crocs. J’ai de plus en plus la sensation d’assister à la crise majeure d’une humanité mondialisée par le sens historique, sans qu’aucun garde-fou n’en prévienne la chute.

Comme lors de la Guerre du Golfe, je ne suis qu’un observateur horrifié des dérives humaines. Rendre compte dans l’instant, avec l’imperfection de l’immédiateté mais l’authenticité inhérente, demeure le privilège du diariste. Assister à la tourmente naissante de pays développés dont les bases économiques s’effondrent sans être, pour l’instant, touché dans sa vie propre, développe en soi une fascination déprimée.
L’Union européenne n’a pas su relever le défi d’une réaction coordonnée et massive pour contrer la crise en cours. Le rejet, par la France puis les Pays-Bas, des nouvelles règles de fonctionnement à 25 puis 27 membres, tout comme l’intégration prématurée de pays à l’économie fragile, ne vont pas favoriser l’europhilie. L’urgence de la situation démontre qu’il aurait fallu un leader et un visage à cette UE, plutôt que cette absurde présidence tournante tous les six mois. Un plan unique à l’échelle européenne, adopté à la majorité qualifiée et visant l’ensemble des pays membres, aurait eu plus de gueule que les plans nationaux tirant à hue et à dia. Voilà donc les nouvelles désastreuses qui s’enchaînent sans réaction européenne à la hauteur.

La France, elle, s’inquiète des dérives de ses DROM, Guadeloupe en tête avec un LKP dont le service de sécurité rappelle certaines milices intimidantes de partis extrémistes. Le combat de ces militants ne peut souffrir aucune contestation : il faut rejoindre et épouser leurs causes sous peine d’être recadré sans douceur. Belle conception du dialogue social. Obtenir de force la signature d’un accord prétendu sur l’augmentation de salaires. Résultats des semaines de blocage imposé : une île au bord de la ruine, un taux de chômage qui va s’amplifier et des perspectives sombres d’explosions plus radicales. Si le leader du LKP avait pour ambition de paupériser l’île, comme un Castro l’a fait pour la sienne, alors l’initiative est réussie.



Jeudi 5 mars, 22h15
Avec certains des apprentis brancardiers que Cqfd accueille, et que j’ai quelquefois en charge, je suis aux premières loges de ce qui pourrait s’affirmer comme des ennemis de l’intérieur, en cas d’explosion sociale, voire de guerre civile.

Ce sujet n’est que très rarement évoqué dans les médias traditionnels, et toujours minoré ou excusé : certains jeunes témoignent d’une haine envers l’Occident (incarné par les USA), d’un antisémitisme viscéral et d’une complaisance sans borne pour les autocrates musulmans, ou prétendus tels, ainsi que pour la nébuleuse et criminelle Al Qaida.

Ainsi, en abordant ce matin, dix minutes avant la fin de la tranche de deux heures, la poursuite pour crime de guerre et contre l’humanité du président soudanais par la CPI, sur leur demande, je cerne rapidement la dérive. Non seulement certains n’admettent pas cette poursuite judiciaire, mais ils en profitent, en vrac, pour exprimer leur admiration pour feu Saddam Hussein, leur exécration des Etats-Unis, leur haine d’Israël (ne surtout pas leur parler d’un équilibre des torts dans cet interminable conflit), et les sous-entendus en filigrane associés à un comportement bruyant et irrespectueux, les quelques figures à sortir de ce groupe incarnent l’échec absolu des affichages pour la galerie de l’intégration à la française. Leur seul objectif : profiter des systèmes d’aides en place en s’investissant le moins possible.



Samedi 7 mars
Capuches à découvert

Alors que le film Banlieue 13 Ultimatum n’est pas programmé par le diffuseur UGC dans certains complexes aux abords de cités, les haines encapuchonnées se révèlent au détour d’une séance… pédagogique.

Mon activité me met parfois au contact de jeunes en rupture sociale et dont l’approche du monde est conditionnée par quelques exécrations non négociables. Ainsi, le cas d’Omar Al-Bachir, l’autocrate-président du Soudan, accusé par la Cour pénale internationale de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité : là où chaque citoyen lambda se réjouirait qu’un sanguinaire en exercice soit poursuivi pour la tragédie du Darfour qu’il a provoquée et entretenue, les en-capuche n’y voient qu’un infâme acharnement contre le dirigeant musulman d’un pays pauvre. Ils ne tardent pas, produisant ainsi une tambouille idéologique hétéroclite, à le rapprocher du feu et tellement humaniste Saddam Hussein qu’ils arborent tel un martyr de l’abjecte Amérique et de l’Europe inféodée.

Début 1991, commentant le succès de l’opération Tempête du désert menée par l’administration Bush père, j’écrivais ceci : « Ne doutons pas que l'histoire manichéenne made in Occident lui fera une place d'honneur parmi ses démons. Le monde arabe, lui, portera longtemps Saddam dans son cœur, et il restera une figure essentielle alors que plus un américain moyen ne saura mettre une fonction sur le patronyme Bush. » Si je me suis totalement fourvoyé sur la résonance à venir du nom que le fils a contribué à inscrire pour longtemps dans les pages sombres de l’histoire universelle, l’incroyable popularité du sunnite irakien se confirme dans la tête sous capuche de jeunes qui n’étaient parfois même pas nés lorsque son armée s’est faite sortir du Koweït.

Tant que le monde occidental fera de la CPI son suppôt, empêchant à l’embryonnaire justice pénale internationale l’initiative de stigmatiser les dérives sanglantes de pays riches aux traités protecteurs, nos laissés-pour-compte à capuche s’en tiendront au simplisme dérangeant : de Bush à Israël, la crispation de leur rejet ne souffre d’aucun argument, d’aucune amorce d’éclairage historique.

Le racisme virulent et l’antisémitisme expectoré qui s’amplifient dans les périphéries à l’abandon ? On n’en parle surtout pas : comme si cette indignité rampante de notre République prétendument intégrative devait être minorée pour ne pas provoquer l’embrasement général. Hypocrisie à tous les étages : on laisse enfler les haines en espérant qu’elles ne submergent pas le contrat social de plus en plus ravalé à une missive d’inatteignables intentions.

Finalement, la crise économique, claironnée par les médias qui fournissent ainsi un carburant indispensable pour l’entretenir et maximaliser ses effets, dissimule la crise réelle d’une part croissante de la population qui a perdu l’affectio nationis et s’en remet aux litanies d’intégristes, aux sermons mortifères qui inclinent à mettre au-dessus de tout son clan, son quartier, sa communauté. Faites vos jeux… rien ne va plus !



Mardi 10 mars, 22h26

Une belle tête de bouc émissaire à faire tirer la langue au bout d’une pique en ces temps pré révolutionnaires : Fr. de Margerie devrait se méfier en sortant de chez lui. Le PDG de Total est l’objet d’un consensus politique qui descend en flamme son projet de dégraisser la bête multinationale de 555 postes alors qu’elle annonçait des profits record pour 2008. De Besancenot à Laurent Wauquier du gouvernement, la condamnation s’élève et le simplisme de l’approche sert les intérêts de chaque camp politique.

Vendredi 13 mars

L’amorce d’une douceur printanière devrait contre balancer les effondrements alentour. Ambiance pré révolutionnaire où la bête à saigner s'obstine aux mesquineries économiques. L’anticipation des désastres à venir ne peut plus se tolérer pour les âmes en sursis et dont les engagements existentiels dépendent du peu de principes supra économiques qui restent dans le sauve-qui-peut industriel.

A lire ou entendre l’abondance haineuse des victimes de Madoff, on saisit l’incommensurable déterminisme de la possession. Aucune distinction à avoir entre les catégories sociales : ce qui importe c’est l’acharnement contre le fautif, le désigné responsable de nos malheurs.

Avec le son Coldplay, la renaissance se choppe comme une bouffée de fraîcheur : le nouveau né qui gambade, hésitant entre les quatre pattes et les deux jambes ; le chenu qui aspire les quelques rayons comme une jouvence calorifique ; les demoiselles en confidences réciproques dont n’arrive jusqu’à moi que la douce crête du son. Parties, je prends leur place pour me régénérer face aux rayons qui dardent. La saison froide résiste encore en cette fin d’après-midi par une fraîcheur qui vous envahit. L’auditif ennoblit par les airs de Prospect Mark, le monde s’anime en douceur, les gestes simples, les jeux conviviaux, les complicités improvisées.



Dimanche 15 mars
Alain l’enChanteur et le château d’O

Bashung s’en est allé avec l’extrême Élégance de l’artiste accompli, mais victime de ses sources inspiratrices, de ses addictions comme le résumerait l’approche clinique.

Sans être un inconditionnel de son œuvre musicale, quelques joyaux s’imposent comme autant de singularités esthétiques au riche pays onirique du créateur. Au premier rang, Madame rêve, où les vocables suggestifs de Grillet épousent les notes aspirantes de Bashung. Une ambiance ? Non, trop mesquin ! Un univers captateur d’émotions, oui, qui vous enroulent pour vous submerger. Une portée de grâce.

La mort de Bashung, c’est une part de mon existence qui s’éloigne pour se fondre dans les restes vaporeux du définitivement perdu. Une tranche de passé sans le moindre rapport avec mes choix de vie d’aujourd’hui. Bashung, comme un révélateur d’une enfance en marge du modèle commun.

1980, après quinze ans de tâtonnements artistiques, il accède enfin au succès espéré avec sa Gaby, le long des golfes pas très clairs. Moi, comme le dit un de ses aînés en chanson, j’ai dix ans, mais je n’appelle pas ma maman pour confier mes bobos. Je me sens, au contraire, dans mon élément vital au château d’Omiécourt, en pleine Picardie – aujourd’hui exploité comme chambres d’hôtes de luxe. Parmi les quelques mélodies choisies, via les médias, des airs de Bashung habillent les souvenirs qui me restent de cette vie de hobereau.

Je me revois ainsi, une nuit d’été, dans le grenier d’une dépendance du château, pour des moments fraternels avec Hermione et Karl, enfants du même âge qui me sont alors si chers, complices de jeux et d’aventures improvisées, et ce soir-là de musiques partagées. Les trois dix, comme on nous surnomme en cette année de révélation d’Alain Bashung, inventent d’extraordinaires épopées au Fort Alamo, dans l’un des sous-bois de la propriété, reste d’un énorme tas de terre devenu mont touffu. Les trois onze poursuivent leurs jeux alors que le Vertige de l’amour peuple les ondes et ancre, pour toujours, le son Bashung dans le panthéon musical français. Pousser ses gambettes jusqu’aux grands bois, après un passage à travers champs désertés par les bœufs, pour y retrouver la magie d’une géographie torturée par les obus de 14-18 et sur laquelle arbres et lianes ont insufflé une esthétique reposante : plus de carnage ni d’explosions, mais des complicités enfantines qui semblent éternelles. Bombez le torse, bombez ! comme un délire familier qui me vient en écho de nos châtelains egos.

Ainsi, éparses, quelques parcelles qui me restent et Bashung remuant ces souvenirs qui n’auront eu comme sens que les instantanés vécus, avant les désillusions, les séparations et les rancunes… Avoir perdu ce chanteur si tôt, ne pas avoir su prolonger l’accroche avec ce frère et cette sœur de cœur, cela rend un peu coupables ses choix et son approche du passé. Bon vent à toi, Alain l’enChanteur !


Lundi 16 mars, 23h18

Pour les gouvernants en place, l’obsession se résume à ne surtout pas apparaître d’une quelconque connivence avec des financiers indélicats ou des entrepreneurs qui licencient en masse, voire ferment des sites. L’ambiance sociale des pays encore développés, avant peut-être le chaos généralisé, est à soupeser avec ce qu’il y a à perdre et ce que l’on peut gagner en cas de lutte violente contre l’autorité établie. Lancer quelques œufs et une banderole sur la tronche du directeur du site Clairoy (?) de Continental, tabasser à coups de pied la représentation humanoïde d’un responsable, ça passe encore, mais lorsque la désespérance individuelle sera galvanisée par la vague collective, plus aucune retenue ne vaudra au nom de sa propre sécurité matérielle.

L’effet d’entraînement vaut tant pour assouvir l’indécente cupidité comme l’a magistralement révélé l’escroc Madoff que pour ceux dont le seul impératif est la survie quotidienne.



Jeudi 19 mars, 21h48

Reçu un message sur Facebook d’un journaliste-réalisateur, un certain Benjamin Rousset, qui souhaiterait s’entretenir avec moi sur Paul Léautaud. Il doit lui consacrer un documentaire. Que pourrais-je bien lui apporter, à part le témoignage d’un ancien lecteur du bougre, toujours séduit par le personnage, mais dont les détails de son existence se sont effacés par l’absence de fréquentation via de régulières (re)plongées dans son œuvre. Il me serait ainsi profitable de m’imprégner de son ressenti suite à la crise de 1929 et de tenter une comparaison avec ce que je vis aujourd’hui par médias interposés.

Ainsi, la deuxième journée nationale de grève de l’année, après celle du 29 janvier, m’a flanqué un dégoût de l’actualité. Plus aucun enclin aux détails des défilés, aux postures des ténors politiques et syndicaux, aux pseudos arguments simplistes de quelques grévistes remontés. A quoi sert l’agrégat d’un jour ? La radicalité affichée d’un Besancenot peut-elle un instant se concilier avec les aspirations à la négociation sociale d’un Chérèque ? Alors tout cela, simagrées en attendant la vraie rupture…


Mardi 24 mars, 22h21

Demain, ma BB aura 42 ans. Drôle d’effet ce temps qui défile. L’ambiance médiatico-sociale est à l’alarmisme et à la stigmatisation.

S’affoler de la mécanique infernale d’effondrement et dénoncer, par l’approche simpliste, quelques actes de potentats qui révoltent la base populaire si exempte de travers…

Alors, pour mieux se faire voir des électeurs-censeurs, les politiques en rajoutent dans la mise au pilori des abuseurs économiques qui se goinfrent même lorsque l’argent public est venu suppléer les défaillances de gestion. Presque une incitation à se payer de la tête patronale au bout d’une pique… Les Besancenot et Domota peuvent savourer cette tournure. Faut-il remettre en cause le modèle mondialisé de l’économie ? Pour quel système à lui substituer ?

Certaines utopies n’ont pas vocation à se réaliser.



Jeudi 26 mars, 22h10

En fin d’après-midi, sitôt sorti des locaux de Cqfd, j’appelle Benjamin Roussel, réalisateur de documentaires qui m’avait contacté via Facebook pour son projet sur Léautaud.

Echange au cours duquel il me résume son objectif : réaliser une série consacrée à des personnalités ayant résidé en Hauts-de-Seine, parmi lesquelles Céline, la Pompadour et… le père Léautaud. Il souhaiterait enregistrer et filmer un entretien d’une demi-heure avec moi, notamment pour le volet Journal littéraire.

J’apprends qu’il doit faire de même pour toutes les plumes qui ont écrit sur lui, comme Edith Silve ou Martine Sagaert. Toutes ? Non… un certain Pierre Perret ne pourra être associé à ce premier documentaire sur le bougre gouailleur au risque, pour le réalisateur, de subir la défection des trois ou quatre obscures personnalités ayant pondu sur Léautaud, voire même d’être attaqué en justice.

Raison de cet anti-perretisme primaire ? Les prétendus spécialistes affirment que l’auteur du Zizi trompe son monde et n’a, en fait, jamais rencontré l’aristocrate libertaire… Quel intérêt aurait donc le chanteur ultra populaire d’inventer cela ? Consternant de bêtise.

Celui qui aurait pu donner une fabuleuse dimension à ce documentaire est interdit d’antenne au profit de doctes ennuyeux entre lesquels je vais immiscer ma libre parole, sans toutefois gêner la démarche de Roussel. Ce petit milieu littéraire se gonfle d’être la référence incontournable : mesquinerie jalouse de la dimension d’un Perret qui gambade sur leurs plates-bandes. Dérisoire.

J’irai donc vendredi 10 avril à Paris pour enregistrer ces réflexions improvisées.

Avril

Samedi 4 avril
Réception des parents B pour le week-end, après une longue période de densité pédagogique, entre groupes de pompiers clairsemés pour préparer les épreuves écrites et orales et les apprentis brancardiers, parmi lesquels d’horripilants profiteurs au je m’en foutisme exacerbé.
Pour la semaine à venir que de l’administratif, ce qui va me permettre de replonger dans l’existence de Léautaud via son Journal et diverses analyses. Une façon de faire ressurgir, avec plus de précision, les liens qui m’unissent au diariste avant l’entretien de vendredi prochain avec Benjamin Roussel.
Vu jeudi soir, à la salle 3000, le vieillissant Al Jarreau. Touchant humainement, mais une prestation décevante. L’artiste apparaît tout malingre, le visage gonflé (par un traitement ?) et la voix mal assurée. Une jeune femme partage avec lui la scène pour venir, le cas échéant, suppléer les carences vocales du chanteur. Des musiciens performants l’entourent, mais le son trop bas, peut-être pour qu’Al Jarreau le supporte, empêche toute réelle symbiose avec le spectacle.

A l’occasion du soixantième anniversaire de l’OTAN et de la réintégration de la France dans l’un des commandements, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont réunis, peu de temps après le G20, pour accueillir symboliquement la France. Vingt-huit nations, mais l’une d’elle, via son dirigeant, se distingue par la pire des incorrections : Berlusconi, qui a récemment intégré des fascistes dans son gouvernement hétéroclite, loupe les trois quarts des cérémonies pour se consacrer à un coup de téléphone semble-t-il primordial. Alors que les autres suivent scrupuleusement le programme établi, l’affairiste politique, gominé et teinté de près, se distingue de la plus minable façon. Nous saurons, dans les prochains jours, si le sujet le justifiait.



Dimanche 5 avril

Je profite du calme à venir volet pédagogique pour vagabonder entre les décennies Léautaud et les événements symboles de la crise économique post 1929.

Première découverte : l’auteur du Journal littéraire, lorsqu’il collaborait à l’étude de Me Lemarquis, administrateur-liquidateur, en 1902, a posé les scellés rue Aubert dans l’affaire Humbert-Crawford. Une institution financière, destinée à alimenter le train de vie somptuaire de Mme Humbert née d’Aurignac, avait abusé son monde lors du mariage de la dame, laissant entendre qu'une dot considérable, cent millions d’alors, était consignée dans un coffre sis dans l'hôtel particulier, 65 avenue de la Grande Armée à Paris, le temps de régler le contentieux de la succession Crawford avec les neveux du testateur. En fait, rien de la succession n’existait et le coffre n’accueillait que de la peccadille… mais la dame Humbert s’affichait toujours avec l’apparente richesse maximale, celle financée par l’apport des « niais » (selon Léautaud) qui croyaient à des rendements pharamineux. Une Madoff avant l’heure qui a abusé des si coupables penchants à la goinfrerie financière. Les victimes n’ont donc pas plus de valeur que leur spoliateur.

Le krach du 24 octobre 1929 n’aura de conséquences perceptibles en France qu’en 1931, tout comme aujourd’hui on nous assure que le matelas social du système de redistribution français atténue les effets de la crise économique. Cela n’empêche pas un scandale financier bien français. Fin 1930, la banque Oustric est liquidée suite à la gestion sans scrupules de son fondateur Albert Oustric. Les appuis politiques dont il a bénéficié, notamment celui de Raoul Péret, finit de discréditer la classe politico-financière aux yeux de l’opinion publique.

Changement d’ambiance en 2009 : les détenteurs de l’exécutif prennent bien garde de se désolidariser des perversions financières, quitte à sombrer dans la bouc émissairisation populiste…

S’imprégner des temps anciens pour mieux saisir la mécanique humaine des drames présents, cela édifie et conforte davantage ma thèse, mise en exergue sur mon site Crise financière ? Débâcle humaine ! : ce n’est pas le système en place qui incline au pire les comportements, mais la nature humaine de certains qui dénature et vicie le système.



Vendredi 10 avril

Vers 17h. Sorti de l’interview de Benjamin Roussel sur Paul Léautaud. Me voilà à la terrasse d’un café où, dans le pire de mes années 90, j’avais laissé s’écouler quelques délires mal maîtrisés auxquels s’ajoutait un œil douloureux que j’extrapolais purulent : Le Bonaparte à la devanture imposante.

Très agréable, mais un peu stressant moment que cet entretien filmé dans un cossu quatre étoiles, à taille intime, L’Hôtel rue des Beaux-Arts, lieu privilégié d’Oscar Wilde pour ses repos parisiens. La relecture de mes sélections du Journal littéraire, en 1987, alors que je découvrais l’œuvre, me fait tomber sur un hommage à Wilde, singulière personnalité appréciée par le bourru du Fontenay. Réalisateur manifestement heureux de cette trouvaille…

Prestation abondante de ma part, peut-être un peu trop à mon goût, au risque d’une indigestion pour les téléspectateurs à venir. Pour Roussel tout a semblé convenir. A la fin de l’échange, il me confie n’avoir pas retenu Edith Silve pour nourrir ce documentaire, car elle lui est apparue « folle » dans sa façon d’être, ce que n’a pas empêché sa volonté captatrice, souhaitant tout contrôler jusqu’à exaspérer et tentant de se faire rémunérer pour l’intervention envisagée. Le jeune réalisateur en a été écoeuré, préférant renoncer à l’intégrer. Question judicieuse de sa part : d’où tient-elle, alors qu’elle n’a connu ni Léautaud ni même Marie Dormoy, le titre d’exécutrice testamentaire du feu réfractaire ? Un tel enclin pour les petits coups médiocres en voulant impliquer de prétendues relations littéraires détonne tant avec les pratiques du père Léautaud qu’il la ratatine de facto à une usurpatrice de fonction sans doute via la SPA, légataire universelle des écrits du bougon misanthrope. Dérisoire antichambre d’une saprophyte qui a cultivé sa fantomatique importance serinée sur la bête littéraire. Elle détiendrait ainsi plusieurs inédits de Léautaud…



Dimanche 12 avril

Foutez-lui la paix !

Qui d’autre veut se payer du Perret ? Le sujet croustille et fait s’émoustiller le journaliste en quête d’un bon coup : brûler l’idole consacrée qui vit les dernières années de son bonheur d’artiste accompli. Le gouailleur se serait inventé une relation cordiale avec le vieux Léautaud qui, dix-huit mois plus tard, demandera dans un ultime souffle qu’on lui foute la paix.

En 1986, lorsque reparaît son Adieu, Monsieur Léautaud, Pierre Perret est un artiste célébré. Qu’il se soit vanté auprès de Brassens, des décennies plus tôt, de cette singulière rencontre, pourquoi pas, mais le vrai scandale n’est pas là. Au contraire, si invention a existé et s’est perpétuée, cela a eu le mérite de faire connaître à un plus large public l’œuvre du réfractaire. A mon très humble niveau, je rédigeais alors un article dans le journal du lycée de Cergy Saint-Christophe, hommage à l’initiative de Pierre Perret et occasion inespérée de prendre prétexte de l’actualité littéraire pour évoquer mon écrivain favori auquel je consacrais, dix ans plus tard, un travail universitaire.

Alors, Perret, coupable ? L’article du Figaro (resucée de celui du Nouvel Obs du 29 janvier 2009) le flingue en cinq actes, à la façon d’une médiocre pièce de boulevard qui aurait donné l’occasion à Léautaud, alias Boissard, de délivrer une magistrale digression après la fustigation de son auteur en deux phrases aux vifs mouvements. On sent derrière cette agitation la volonté d’un infect petit univers de ne surtout pas laisser à ce chanteur populaire la liberté de se revendiquer une filiation intellectuelle avec leur Léautaud.

Alors poussons au bout pour révéler la mesquinerie de ce milieu qui aurait fait s’indigner le pamphlétaire – encore un vocable que les exégètes consacrés ne vont sans doute pas adouber. Se prépare un documentaire sur le bougon de Fontenay : là où un Pierre Perret aurait apporté sa notoriété, son allant et sa joyeuse vivacité, une cabale s’est érigée pour empêcher qu’il soit de la partie. Médiocre chantage à la clef…

En revanche, cela n’aurait gêné aucun des biographes de Léautaud qu’Edith Silve se répande en éloges naphtalinés alors qu’elle empêche la publication de manuscrits et de « plus de 600 pages de journal restées inédites », ça le journaliste du Figaro n’en est pas choqué. Quelle légitimité a donc Mme Silve pour décider ce qui doit ou pas être publié, hormis le fait de s’être acoquinée avec la SPA légataire des manuscrits du diariste ? Le scandale littéraire n’est-il pas plutôt là ?

Comme il pourrait être dans la censure, jamais dénoncée, pratiquée par feue Marie Dormoy, l’exécutrice testamentaire de Léautaud qui a surtout exécuté l’intégrité du Journal littéraire en s’érigeant censeur officiel. N’est-ce pas là qu’est l’injure véritable à l’écrivain qui n’admettait aucun retrait de ses chroniques, préférant mettre un terme à la collaboration du moment. Dormoy, elle, a préféré préserver ses relations avec quelques influents du milieu littéraire, et surtout ne pas se les mettre à dos, en retirant de la publication du Journal les piques incendiaires. N’est-ce pas cela qui doit révolter : cette complaisance cultivée avec un cercle relationnel tout en se revendiquant fidèle à l’écrivain sans concession ? Elle a donc appliqué un principe indigne : laisser la liberté aux écrits de Léautaud jusqu’à la limite de ses propres intérêts. Là, il y a de quoi vomir !

Au regard de ces comportements, le pétard mouillé du Nouvel Obs repris par Le Figaro semble dérisoire : un écart avec la vérité, Pierre Perret l’a peut-être pratiqué, mais ce n’est en aucun cas une insulte à ce qui fondait l’existence et les pensées de Paul Léautaud. Alors, qu’Edith Silve et la SPA laissent publier l’intégralité de ce qu’elles retiennent, et nous pourrons alors évoquer sereinement le cas Perret, quitte à lui tirer affectivement le lobe d’une oreille…



Mardi 14 avril, au soleil de Fontès

La maisonnée estivale de maman et Jean présente une belle forme extérieure achevée, alors que son insolite voisine, caprice irrationnel d’un couple baba cool, s’éternise dans l’inachèvement. Des finances à sec et un mal de dos récurrent du mari paralysent le projet écologique, avec sa façade vitrée encore ouverte aux vents, qui fait ressembler la haute demeure à une construction de bureaux plus qu’à un logis de particuliers. Ils viennent de nous saluer… charmants au demeurant.

Pour nous, l’objectif est moins titanesque : poncer et peindre la pièce principale à vivre.

La relecture, dans ce Journal, du premier jet de Foutez-lui la paix ! me fait prendre conscience de l’écriture aux lignes folles qui courent le long de lignes non respectées. L’inspiration, lente à venir pour ce texte, m’a ensuite pris au dépourvu, la main ne parvenant à suivre les phrases émergées qu’au prix de délires graphiques.



Mercredi 15 avril, grisaille et vent

A notre entrevue improvisée, vendredi dernier à Paris, mon père se confie un peu sur son escapade au Mexique à la fin des années 80, qui devait se conclure par un non retour. Période de tourments et de sentiments antagonistes, à l’image du bonheur pris à la découverte de sites époustouflants tout en étant tenaillé de remords en songeant à ses enfants dans l’ignorance totale de son initiative éperdue.

J’écoute sa narration en tentant de me remémorer mon état d’esprit d’alors – maman lui vouait un profond ressentiment de cet abandon de fait – : rien ne me revient. Toujours cette diffuse indifférence aux êtres et aux événements qui devraient m’affecter. Trop égocentré pour me laisser toucher par l’alentour. Les circonstances font et défont les liens sans que j’en souffre, sans qu’un manque essentiel mine mon existence. Sans doute que l’équilibre de vie qui se déroule avec ma BB renforce ma relativisation du reste.

Deux personnalités féminines subsistent comme des rencontres cardinales que j’aurais souhaité pérenniser : Aurore la première, le coup de foudre initial, au charisme puissant, enveloppant, qui vous étourdit et fait passer le reste de l’univers au second plan, tel un improbable épiphénomène ; Shue la déesse persane, alliance de beauté rare du visage et d’une intelligence de la situation sans pareille, rencontrée au détour d’une allée de la majestueuse bibliothèque nationale sis alors rue de Richelieu, comme une apparition… Voilà les deux figures essentielles par la densité humaine exhalée.



Jeudi 16 avril

Peintures à l’esthétisme pastel pour la grande pièce principale : alternance de deux coloris (jaune d’un pâle éclatant et abricot léger) qui se complètent pour un esthétique résultat. Le plafond n’a pas eu le blanc de qualité unie qui aurait parachevé l’espace à vivre. Semaine de dépaysants labeurs qui file à toute vitesse.

La coupure purgative d’avec l’actualité est totale depuis lundi, et jusqu’à samedi. Les hystéries et monomanies de crise claironnée et entretenue n’ont plus aucune résonance… La vie recentrée sur l’affectif de proximité calme son rythme artificiel et ne se charge que de l’essentiel pour un bien-être perpétué.



Vendredi 17 avril

Quelques bribes rapportées d’une radio allumée pour le petit déjeuner : les séquestrations d’employeurs se multiplieraient en France. D’un cas isolé, et qui aurait pu être sanctionné tel que le prévoie le code pénal, la fanfare des médias en fait un exemple (condamné ou pas) pour tous les salariés menacés de licenciement. Certes, les plans sociaux justifiés par la crise économique mondiale deviennent le sport entrepreneurial en vogue, mais cela autorise-t-il l’impunité de ceux qui s’en estiment victimes ? La voie judiciaire devrait être la seule qui permette le rétablissement dans ses droits. Laisser s'opérer, puis tolérer la négociation par la force, par l’entrave à la liberté du prétendu fautif, c’est la première étape d’un délitement de l’Etat de droit, avant l’implosion du système social et le règne de la loi du plus fort.

Sans doute notre pays n’ira pas jusque là tant que le système bancaire et la redistribution sociale fonctionneront, mais ces entorses à la légalité commune préfigurent une dégradation durable des conditions de vie collective.

Certaines voix politiques, jusque dans les rangs de partis de gouvernement, se complaisent dans la dangereuse compréhension des séquestrations. Les mêmes nous expliquent la légitimité de rémunérations exorbitantes de footballeurs, qui distraient la masse grognonne, tout en vouant aux gémonies les dirigeants de multinationales françaises qui perçoivent des sommes comparables à celles des coureurs du ballon rond. Le populisme de gauche est là tout entier ! Accorder du crédit aux simplismes d’une population à bout qui ne souhaite qu’une seule chose : que surtout le système de fond ne change pas, qu’il redevienne la vivable vitrine d’avant la crise des subprimes, celle où chacun s’excitait pour augmenter son sacralisé pouvoir d’achat (des fonctionnaires le réclament d’ailleurs toujours, lors de manifestations hétéroclites, ne se rendant pas compte du grotesque et de l’indécence de leur revendication dans le contexte social du moment).

Alors, sans doute, faudrait-il purger, à l’échelle mondiale, les établissements financiers et les plus grosses sociétés coupables de pratiques délictueuses, accueillant des êtres obnubilés par l’amassement pécuniaire jusqu’à l’obscénité provocatrice. Mais les remplacer par quoi et par qui ? Qui peut affirmer que la vertu se concentre de telle manière chez les partisans d’un autre monde que leur confier les rênes d’une utopique direction mondiale résoudrait l’essentiel des maux de notre civilisation économique ? Leurre d’autant plus dangereux qu’il se pare de l’humaniste générosité. L’histoire récente a connu ce genre de subterfuge idéologique qui cumule sur des décennies des dizaines de millions de cadavres. On est là dans une dérive autrement plus dramatique que les quelques plans sociaux qui n’empêchent personne de se lancer dans la création d’une activité. La liberté des uns, en l’occurrence les patrons, n’a jamais entravé celle de ceux dont ils louent (pour un temps limité, par définition) la force de travail et qui peuvent à leur tour passer la frontière imaginaire et devenir eux-mêmes entrepreneurs individuels, voire employeurs.

L’étatisation de l’économie, sous couvert de protection des plus faibles, n’a elle produit que paupérisation généralisée au profit d’un petit groupe et la déresponsabilisation de tous ceux qui vivent par cet Etat interventionniste.



Mardi 21 avril

Ambiance de monde sans repères où la tension sociale relayée par les médias prend des formes plus radicales.

Ce soir, au Grand Journal de Canal +, le témoignage de deux anciens traders présentés comme repentis, chacun ayant clos ce pan d’existence par un ouvrage. L’air épanoui, ils racontent cette époque d’immoralité poussée jusqu’à l’illégalité pour répondre à l’objectif premier : combler son insatiable cupidité. De magnifiques salopards cocoonés sur ce plateau de TV, alors qu’ils auraient été étripés sur place par quelques partisans éméchés du NPA…

L’ONU vient encore de déféquer sur les valeurs fondamentales qu’elle prétend défendre, et Kouchner de se ridiculiser un peu plus par sa déclaration d’optimisme imbécile.

La Conférence sur l’antiracisme devient la tribune du puant Ahmadinejad qui a, sur le plan intérieur, son siège à sauver lors des très proches élections. La France aurait pu se dispenser d’assister à cette sinistre mascarade, comme l’a décidé une majorité d’Etats de l’UE. A vouloir se distinguer à tout prix des pays qui nous sont le plus proche, on finit par se rapprocher malgré nous des Etats fripouilles. Curieuse gloriole.



Samedi 25 avril

Vu un téléfilm sur l’affaire Salengro, ce ministre de l’Intérieur du gouvernement Blum qui s’est suicidé par trop d’attaques diffamantes. Un parti pris du réalisateur Yves Boisset de présenter les hommes politiques du Front populaire sous leur meilleur jour, alors que Maurras, Léon Daudet, Béraud et autres extrémistes apparaissent dans leur grotesque, leur vilenie leur médiocrité crasse.

Ce qui m’aurait irrité dans cette subjectivité idéologique me laisse aujourd’hui de marbre, voire me réjouit. Plus rien à foutre de camper artificiellement dans un camp qui ne répond plus à mes aspirations de fond.



Dimanche 26 avril

Fini de visionner, ce soir, Milice, film noir qui retrace l’abjecte dérive des hommes de Darnant. Ce temps de tourments n’aurait sans doute pas réveillé en moi la fibre d’une résistance active, je n’ai pas le caractère suffisamment combattant pour cela, mais, à l’inverse, je me crois allergique à ces collabos malsains qui font leur carrière sur la chute d’une nation dépecée par les nazis. Une passivité morose, voilà probablement ce qui m’aurait animé, avec peut-être une liberté d’écrire dans le secret. Notre époque est, pour l’instant, infiniment plus sécurisante…

Une pensée, avant de retourner dans les pages de Minc, au Gran Torino d’Eastwood. Cette fin d'existence du personnage abrupt qui choisit de sacrifier sa vie pour permettre aux deux victimes du gang assassin de vivre en paix, bouleverse, hante par la dimension humaine. Le réalisateur-comédien, lui-même en fin d’existence, a rendu, avec une extrême intelligence des caractères, l’évolution – ou la révélation – de la nature humaniste d’une vieille brute au discours raciste. Un chef d’œuvre, simplement.



Mercredi 29 avril, 22h47

Hypocrisie minorante de la réalité chez certains invités de Calvi dans un C dans l’air consacré au Gang des barbares et à son abjecte figure de proue, le sordide Fofana, à l’occasion de leur procès. Aux questions, plus ou moins rhétoriques, de téléspectateurs qui se demandent si Fofana n’est pas devenu une icône dans certaines cités et/ou pour certains profils sociologiques de population, les experts sociologues, notamment, ne l’affirment pas nettement, renvoyant cela à une ultra minorité. Pas si sûr… et si cela n’est pas un phénomène de masse à l’échelle locale, cela implique les plus actifs, les plus agissants dans les quartiers concernés.

Les groupes de formation au métier de brancardier financés par le Conseil régional ont accueilli une majorité de stagiaires complaisants, pour les moins engagés, à admiratifs pour les pires, de l’assassin tortionnaire.

On feint de ne pas voir cette fracture civilisationnelle au sein même de notre société artificiellement tenue et médiatiquement dissimulée. Un vrai potentiel de guerre civile en cas de dégradation accentuée de la conjoncture.